La maladie de Crohn est une atteinte inflammatoire digestive pouvant atteindre tout le tube digestif de la bouche à l’anus de façon descendante, mais dont les sièges préférentiels sont l’iléon et le côlon droit.
I] Physiopathologie
C’est une maladie plurifactorielle qui associe :
* un dérèglement immunologique avec :
– hyperproduction de cytokines qui auto-entretiennent l’inflammation de la muqueuse digestive
– hyperproduction du TNF α
* des facteurs génétiques : on retrouve des formes familiales dans 10 à 30 % des cas, il y a au niveau du chromosome 16, un gène de susceptibilité à la maladie de Crohn appelé gène CARD
* des facteurs environnementaux : l’effet nocif d’un tabagisme, même modéré, qui augmente le risque de poussée inflammatoire et aggrave l’évolution de la maladie
II] Epidémiologie
* Atteinte de sujets jeunes, généralement entre 16 et 30 ans (médiane), sans sex ratio
* Incidence en France : 6,7 cas pour 100 000 habitants, avec un gradient Nord-Sud : la grande majorité des cas se trouve dans les pays du Nord
III] Anatomopathologie
La maladie de Crohn consiste en une inflammation de la muqueuse discontinue, séparée par de la muqueuse saine.
Les lésions sont profondes, appelées « ulcérations » et peuvent atteindre toute la paroi digestive.
Le rectum est touché dans 50 % des cas, l’atteinte iléale est caractéristique de la maladie et les lésions anales sont systématiques (« fissures »).
La biopsie de la muqueuse met en évidence la présence de cellules géantes épithélioïdes groupées en amas, que l’on appelle « granulome ».
IV] Clinique
1) Signes digestifs
– Diarrhée chronique (plus de 3 semaines avec des selles ≥ 300 g / 24 h) : elle peut conduire à une malabsorption qui peut être à l’origine d’un amaigrissement et chez l’enfant, d’une cassure de la courbe de croissance staturo-pondérale. Au long terme, il peut y avoir une dénutrition.
– Douleurs abdominales à type de spasmes (syndrome sub-occlusif de Koenig) évoluant par crises, siégeant essentiellement au niveau de la fosse iliaque gauche (place de l’iléon).
– Atteinte anale : fissures anales douloureuses lors de la défection, présence de rectorragie soit isolée, soit mêlée aux selles.
2) Signes généraux
– Asthénie
– Amaigrissement
– Signes de dénutrition secondaires à la malabsorption
3) Signes extradigestifs
Ils peuvent ou non accompagner les signes digestifs et sont parfois révélateurs de la maladie :
– signes ostéoarticulaires : ostéoporose précoce, arthrites très douloureuses invalidantes (gênent le mouvement) touchant les hanches, les genoux, les épaules, les coudes, …
– troubles cutanées : dermatose
– signes oculaires : kératite (inflammation de la cornée)
V] Complications
L’évolution de la maladie de Crohn se fait par poussées successives entrecoupées de rémissions de plus ou moins longues durées.
L’évolution est totalement imprévisible quant à la fréquence et à la gravité des poussées.
Les risques évolutifs de la maladie de Crohn sont :
– une cicatrisation fibreuse des ulcérations entrainant une perte d’élasticité de la paroi qui devient dure, rigide et rétractée → sténose sur un segment du tube digestif (attention à l’iléon)
– une perte de substance atteignant toute la paroi digestive que l’on appelle ulcération transmurale entrainant une communication anormale avec les organes voisins : la fistulisation.
Les conséquences sont le passage du contenu de l’iléon vers des organes voisins :
→ vers la vessie : passage d’air dans les urines (pneumaturie) et de selles (fécalurie)
Attention: risque majeur d’infection urinaire
→ vers l’utérus : passage d’air et de selles
Attention: risque majeur d’infection génitale importante
Les perforations des ulcérations sont rarissimes.
VI] Paraclinique
1) Examens biologiques
Ils sont effectués afin de mettre en évidence un syndrome inflammatoire avec :
– une NFS montrant une hyperleucocytose
– un examen biochimique montrant une augmentation de la CRP (protéine de l’inflammation)
– un fécalogramme montrant une augmentation de la calprotectine
2) Examen endoscopique
On effectue une coloscopie et une iléoscopie sous anesthésie générale afin de :
– mettre en évidence des lésions muqueuses discontinues avec des ulcérations superficielles et creusantes, atteignant l’iléon
– mettre en évidence des sténoses fibreuses
– faire des biopsies de la muqueuse pour rechercher un granulome épithélioïde, caractéristique de la maladie de Crohn
3) Imagerie médicale
On effectue un lavement baryté, c’est-à-dire une radiographie du côlon avec préparation.
VII ] Traitement
1) Mesures hygiéno-diététiques
On préconise bien évidemment l’arrêt du tabac et un régime adapté lors des poussées.
2) Traitement médicamenteux
* Dans les poussées modérées
Anti-inflammatoires (dérivés salicylés) par voie orale ou en lavement.
* Dans les poussées modérées à sévères
Corticothérapie par voie orale et par voie rectale.
* Dans les poussées sévères ou lors d’une corticorésistance
Immunosuppresseurs avec une action retardée (au moins 3 mois d’utilisation pour avoir un effet), qui agissent sur le dérèglement immunologique. Ils ont des effets secondaires très importants au niveau du pancréas et de la moelle hématopoïétique en entrainant une pancytopénie.
* Dans les formes sévères de la maladie
Immunorégulateurs : anticorps TNF α (facteur de l’inflammation).
3) Traitement chirurgical
Du fait des complications (sténose, fistules), 80 % des sujets atteints auront une intervention chirurgicale.
Elles consistent à des résections plus ou moins étendues, essentiellement de l’iléon.